Daniel Perez & Fernando Suarez

Musique Populaire Argentine

La probabilité que deux musiciens argentins de même maturation, jouant des instruments complémentaires et ayant des goûts musicaux similaires se rencontrent, par le plus grand des hasards, dans un petit bar de la taille d’une salle de bain à Lavaveix-les-Mines, dans la Creuse, est quasiment nulle – sans vouloir être catégorique et affirmer que c’est simplement impossible. Néanmoins, comme le disait ma mère :

Je ne crois pas aux sorcières, mais si elles existent ? Elles existent !

C’est ainsi qu’est né ce projet de musique populaire argentine entre ces deux natifs du pays des gauchos, perdus dans les confins de la campagne française, à 13 000 km de leur habitat naturel.

Depuis toujours, dans le milieu de la musique populaire argentine, on assiste au sempiternel débat sur la légitimité des œuvres des nouveaux créateurs et l’imposition, sans grands fondements, d’une idée de tradition, encouragée de manière récurrente par des intérêts commerciaux et/ou politiques. À partir des années 60, a émergé en Argentine un courant de musiciens – aussi bien dans le tango, dans le jazz que dans la musique inspirée du folklore – qui proposaient des changements profonds et des innovations basés sur une connaissance indéniable du langage musical argentin. Cette liberté de création fut ensuite interdite et invisibilisée durant la dictature sanguinaire qui a débuté le 24 mars 1976.

Le 10 décembre 1983 a vu le retour de la démocratie en Argentine et avec elle, une explosion culturelle dans laquelle chaque voix avait retrouvé une place pour s’exprimer en toute liberté. Dans la sphère de la musique, le style de cette époque fut marqué par la recherche d’une esthétique novatrice, la fusion des genres musicaux et l’utilisation d’instruments de musique aux technologies variées. Cela s’est souvent matérialisé de manière chaotique. Avec de nombreux résultats heureux, et d’autres moins.

C’est dans ce tableau dépeignant l’art en effervescence que nous retrouvons nos héros, à l’aube de leur adolescence, se rapprochant timidement de ce nouveau monde, le croisant inévitablement sur leur chemin, y pointant le bout du nez jusqu’à y plonger corps et âme, s’imprégnant de son essence et s’initiant à cet univers.

Si nous considérons que le germe constitutif du patrimoine musical argentin est un amalgame constant et, plus tard, une transformation de différentes cultures – précolombienne, espagnole, latino-américaine ou encore issue de l’immigration européenne, asiatique, moyen-orientale et africaine – créant au bout du compte un langage musical propre et original, nous pourrions nous risquer à dire que ce voyage perpétuel de mélanges est la nature inhérente à la tradition musicale argentine.

Nos deux protagonistes, Daniel Perez – guitare, bandonéon, ronroco et clarinette basse – et Fernando Suárez – percussions, forts chacun de leur côté d’une solide formation et d’une trajectoire prolifique dans le monde de la musique populaire argentine, interprètent des compositions originales influencées par le lien étroit qu’ils entretiennent avec un pays de l’hémisphère sud, avec le désir de partager un ensemble de notes de musique dont l’agencement vise à raconter une histoire, à exprimer un sentiment, sans vouloir devenir un catalogue anthropologique ni une encyclopédie sonore.

De la musique, quoi.

Rien que de la musique.